Bientôt un traducteur juridique robot…. ?
Nous observons dans le secteur de la traduction juridique de plus en plus de logiciels de traduction soit en local (de type Studio ou les outils CAT) ainsi que des systèmes de mémoire de traduction stockés dans le Cloud. Avec le Cloud, il n’est pas nécessaire d’insérer un logiciel en local et cela permet de réduire les coûts d’achat de ces outils.
Néanmoins, le stockage dans le Cloud pose un problème certain de confidentialité des documents. Un document utilisé dans le Cloud est accessible à tous or que la plupart des traductions juridiques sont confidentielles et les clients sont de plus en plus nombreux à demander la signature d’un accord de confidentialité avant le démarrage du projet. De ce fait, on observe que le traducteur juridique a plutôt tendance à privilégier les logiciels en local afin de respecter la confidentialité des dossiers confiés.
Ces logiciels de type CAT, STUDIO et DEEPL permettent de gainer en productivité et sont très intéressants en cas de partage d’un document volumineux dans un projet à plusieurs. Avec le mémoire partagé, nous assurons une traduction alignée et concordante. La base de données installée est un atout indéniable pour ce qui concerne les traductions volumineuses avec une terminologie souvent récurrente.
Cependant, dans mon secteur d’expertise la robotisation de la traduction est certes plus rapide mais dans certains secteurs juridiques, elle n’est pas encore assez fiable. Le traducteur a besoin de revoir le travail au niveau de la post-édition afin d’assurer le niveau de qualité.
La post-édition est une partie très importante du travail et nécessite un travail de relecture approfondi. Quoi qu’il en soit, même avec l’intelligence artificielle et les mémoires partagés, le traducteur doit toujours prendre le temps de relire la traduction.
Certes, le traducteur juridique a besoin de se référer à ces outils et je vois notamment le besoin notamment pour le partage des documents en open source ou pour assurer l’alignement et la concordance des textes mais il est important de souligner que les nuances des documents techniques ne pourront pas passer par le filet de ces logiciels. Certains documents très ciblés sur le plan technique ont besoin d’une traduction sans logiciel.
Sur l’échelle européenne, nous constatons à travers la commission européenne que l’Europe progresse de grand pas son programme de souveraineté numérique. Déjà par les règlements sur la cyber sécurité en 2018 (le bouclier européen), la protection des données personnelles, la garantie à la concurrence et maintenant depuis le 22/09/2021 l’Europe a instauré la réglementation de l’intelligence artificielle. L’Europe donne l’exemple à travers ses textes ambitieux, à l’échelle internationale. Son programme de souveraineté numérique pourra progresser pour établir une autre norme mondiale comme elle l’a fait avec succès à travers le RGPD.
Enfin, l’intelligence artificielle est certes avantageuse mais ne remplacera pas l’homme dans le domaine de la traduction juridique. Le traducteur juridique ne sera jamais remplacé par la technologie, mais plutôt par un traducteur qui sait utiliser la technologie à bon essor.
La technologie est omniprésente concernant les mémoires partagés et notamment en tant qu’outils de gestion de la terminologie. Les bases terminologiques sont de plus en plus partagées afin d’assurer de la concordance entre plusieurs textes utilisant les termes identiques. Les mémoires partagés sont très utiles pour les dossiers volumineux afin d’assurer l’exactitude dans la traduction.
Cependant, ces logiciels installés en local ne sont pas parfaits. Il faut avant tout assurer une vitesse de navigation suffisante et un ordinateur suffisamment puissant pour accueillir ces logiciels.
Un logiciel de traduction permet d’enregistrer un glossaire ou une base de données et de l’enrichir. La machine learning alimente la richesse de la base terminologique afin de rendre les systèmes de traduction plus performants. Cependant, les nuances des phrases dans des dossiers complexes ne sont pas couvertes par la robotisation.
En effet, d’après mon expérience, la terminologie juridique n’est pas statique et les algorithmes du logiciel ne sont pas capables de comprendre la finesse de certains dossiers. Un terme traduit dans un glossaire ne sera pas forcément le bon terme à utiliser dans chaque document, cela dépendra de son contexte juridique et le domaine du droit en question.
Enfin, la terminologie juridique automatisée sert de base dans l’activité de la traduction juridique mais il va de soi que le traducteur doit prendre le temps en post–édition afin d’assurer le choix exacte des termes selon le contexte donné.
Jane Kochanski, Traductrice et expert près la Cour d’appel de Paris.